La municipalité fait la guerre aux multipropriétaires qui transforment des appartements en véritables résidences hôtelières, au mépris de la réglementation. France Inter a suivi une équipe de contrôleurs, dans le 7e arrondissement de la capitale.
Une pluie fine arrose les immeubles haussmanniens du très chic 7e arrondissement, ce mercredi 25 septembre au matin. À quelques encablures de la tour Eiffel, une quinzaine d’agents de la Ville de Paris, répartis en binômes, se préparent à mener une opération de contrôle. Dans leur viseur : des appartements qu’ils soupçonnent d’être loués de façon irrégulière aux touristes.
L’opération nécessite un important travail en amont. À Paris, un logement doit être déclaré en résidence principale pour être mis en location, celle-ci ne pouvant pas excéder 120 jours dans l’année. Alors, depuis trois semaines, les agents du Bureau de la protection des locaux d’habitation enquêtent, passant au peigne fin les annonces publiées sur Airbnb et les plateformes similaires.
« Boulot de détective »
S’ils préfèrent ne pas trop en dire sur le sujet, ils reconnaissent notamment être attentifs à la grande disponibilité d’un appartement, ou encore au nombre de commentaires publiés au bas d’une annonce. Charge à eux de découvrir ensuite la localisation précise de l’immeuble, un travail nécessitant parfois plusieurs heures. « On utilise Google Maps et les informations qu’on obtient par divers biais… », explique Julie. « Dans un sens, c’est un vrai boulot de détective ! »
8h45. Nous voici arrivés au pied d’un bel hôtel particulier. À cet instant précis, en sort une femme qui tire une valise à roulette. « Madame, s’il vous plaît ! » crie Clémence en hâtant le pas. « Vous habitez dans les locaux ou bien vous êtes de passage ? » La vacancière, française, confirme avoir loué un logement pour la nuit.
La suite s’avère plus compliquée. Faute d’interphone, impossible d’entrer à l’intérieur de l’immeuble pour effectuer du porte-à-porte. « Ça nous arrive parfois », reconnaît Franck. « Dans ce cas, on écrit au propriétaire pour fixer un rendez-vous… »
« Un hôtel qui ne dit pas son nom »
Même difficulté devant l’immeuble suivant. Il nous faut toquer à une fenêtre au rez-de-chaussée pour enfin voir s’ouvrir devant nous la porte qui permet d’accéder à la cage d’escalier. Au premier étage, surprise : alors que les agents de la Ville n’avaient identifié qu’une annonce suspecte, l’étage entier semble avoir été transformé en résidence hôtelière. À chaque extrémité, des douches, comprenant des instructions adressées aux utilisateurs : « Merci de maintenir cet endroit propre », peut-on lire. « C’est un hôtel qui ne dit pas son nom », souffle Clémence.
La voisine du dessus ne nous sera d’aucune aide. « On n’a pas envie d’être dérangé à 9 heures du matin, c’est inadmissible !« , vocifère-t-elle avant de claquer la porte. L’équipe n’insiste pas, habituée aux réactions hostiles des résidents.
Certains nous accueillent avec de l’agressivité, parce qu’on les réveille ou parce que notre présence les heurte. Et puis d’autres sont très contents, parce qu’ils sont dérangés par les allées et venues des touristes, le bruit des valises… Leur immeuble devient un hôtel et ils ne savent plus quoi faire.
Ces contrôles sont une étape nécessaire avant de pouvoir commencer à dresser un constat d’infraction et saisir la justice. En 2018, pour quelque 5 000 logements contrôlés, la Ville de Paris a obtenu 179 condamnations. Montant cumulé des amendes : 2 138 000 euros.
Invitée de France Inter lundi, Anne Hidalgo a émis l’idée d’interdire Airbnb dans certains quartiers de la capitale, soulignant que la plateforme « a fait perdre 26 000 logements » dans les quatre arrondissements centraux de Paris.
Une réunion doit se tenir à Bruxelles ce jeudi entre les administrations de plusieurs villes européennes (Lisbonne, Barcelone, Vienne, Berlin, Bordeaux…) pour voir comment s’adapter face aux plateformes de locations touristiques tout en tenant compte de la législation de l’UE.
France Inter- Lorélie Carrive publié le 26 septembre 2019 à 6h01