Accord de la copro, diminution du nombre de nuitées… Les propositions de Paris pour contrer les abus sur Airbnb
Interview avec Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris, en charge du logement.
Le tourisme a repris des couleurs cet été mais pas question de laisser la capitale aux vacanciers. A quelques jours de la présentation, en conseil des ministres, de la loi sur le logement, la mairie de Paris a soufflé au gouvernement plusieurs propositions pour lutter contre les abus sur lesplateformes de type Airbnb et consorts. Objectif : faire la chasse aux propriétaires qui multiplient les locations saisonnières et pénalisent ainsi les Parisiens à la recherche d’un logement.
Parmi les mesures phares, vous souhaitez abaisser le nombre maximum de nuitées…
Actuellement, la loi autorise les propriétaires à mettre en location leurs biens jusqu’à 120 jours par an, ce n’est plus adapté. Rares sont les personnes qui disposent de 4 mois de vacances par an… À New York, la limite est fixée à 30 jours, à San Francisco ou Amsterdam, à 60 jours, à Londres, à 90 jours. Paris est loin des standards internationaux, il faut trouver un juste milieu. C’est pourquoi, nous proposons à Emmanuel Macron, dans le cadre de la future loi sur le logement, que les collectivités puissent fixer elles-mêmes le nombre de nuitées maximum.
Quel est l’objectif d’une telle mesure ?
Lutter contre les abus. Sur les 100.000 logements parisiens proposés à la location saisonnière – soit un appartement sur dix – nous estimons que 20.000 sont des hôtels qui ne disent pas leur nom. Paris doit rester une ville accessible aux classes moyennes, vivante, pas une ville musée ! Or, en l’espace de trois ans, nous avons assisté à un boom des meublés touristiques, notamment illégaux, ce qui a contribué à diminuer l’offre de logement pour les Parisiens. Dans les quatre premiers arrondissements, par exemple, un quart des appartements sont vides ou destinés aux touristes. Nous ne sommes évidemment pas contre les locations qui permettent d’arrondir des fins de mois ou de payer des vacances, mais tout est une question d’équilibre.
Le nombre de plaintes de Parisiens dénonçant des nuisances liées aux locations touristiques a fortement augmenté. Que préconisez-vous ?
Nous recevons de plus en plus de signalements. Pour l’essentiel, il s’agit de nuisances sonores, de va-et-vient de valises permanent. Parfois, des craintes liées à la sécurité remontent, notamment sur le fait que les codes d’entrée ne sont plus confidentiels. C’est pour cette raison que nous souhaitons que les propriétaires obtiennent l’accord de leur copropriété avant de louer leurs biens sur Airbnb et autres plateformes.
Vous n’avez pas peur que les copropriétés s’y opposent quasiment systématiquement ?
Cette mesure fonctionne très bien à Amsterdam. Pourquoi ce serait différent ici ? Surtout si on abaisse le nombre de nuitées maximum.
Le nombre d’amendes contre des propriétaires abusifs a explosé en un an mais il s’agit encore de cas par cas. Comment lutter plus efficacement contre les abus ?
A partir du 1er décembre,tous les propriétaires souhaitant louer leurs biens sur Airbnb ou n’importe quelle plateforme devront être enregistrés auprès de la mairie. Ils obtiendront alors un numéro d’identification qui nous permettra de simplifier les contrôles et donc de limiter les abus. Cette mesure est un amendement de la loi République numérique, votée en 2015, dont le décret d’application n’est paru qu’au printemps. Mais pour encadrer la location, il faut également responsabiliser les plateformes. Et sur ce point, nous attendons toujours le décret d’application. Si une annonce est publiée sans numéro d’enregistrement, Airbnb ou ses équivalents doivent pouvoir être sanctionnés.
L’an dernier, Airbnb vous a reversé 5,5 millions d’euros au titre de la taxe de séjour. En diminuant le nombre de nuitées, vous ne craignez pas de perdre une partie de cette manne financière ?
Comme le nombre de nuitées maximum n’est pas fixé, c’est difficile d’évaluer l’impact financier. Mais le but premier de cette taxe était de mettre fin à une inégalité avec les groupes hôteliers, pas de devenir une manne financière. De la même manière, les amendes perçues auprès des propriétaires qui multiplient les locations visent avant tout à dissuader d’autres d’en faire autant.
Comment ont été perçues vos propositions ?
Ce sont des mesures pragmatiques, nous avons bon espoir qu’elles soient intégrées dans la loi. Toutes les métropoles régulent. Le sujet est consensuel, l’ensemble des groupes politiques et des mairies d’arrondissement – de gauche comme de droite – sont sur la même ligne. Les propositions ont fait l’unanimité au conseil de Paris.