Devant l’inertie de l’État, AccorHotels renonce à entrer au capital d’Air France-KLM

Le géant hôtelier AccorHotels a annoncé ce 26 juillet qu’il renonçait à son projet de prise de participation minoritaire dans la compagnie aérienne Air France-KLM, jugeant que les conditions ne sont pas réunies. Selon nos informations, Accor était prêt à acheter la moitié de la participation de l’État dans Air France-KLM (7%) et avait convaincu un pool d’investisseurs majoritairement français à racheter l’autre moitié. Mais, avec l’affaire Benalla, l’État n’est pas prêt en ce moment et préfère attendre l’arrivée d’un nouveau patron à la tête d’Air France-KLM prévue en septembre.

Accorhotels renonce à son projet de prise de participation dans Air France-KLM. En publiant ce 26 juillet ses résultats semestriels, le groupe hôtelier qui souhaitait racheter tout ou partie des 14% détenus par l’État dans le groupe aérien considère que « les conditions ne sont pas réunies à ce stade et préfère ne pas poursuivre ce projet », même s’il doit rester convaincu du « fort potentiel de création de valeur » d’un tel projet.

Le 3 juin dernier, dans le cadre de sa stratégie visant à enrichir sa gamme de services dans l’univers du voyage, AccorHotels a indiqué mener des réflexions sur la mise en place d’une alliance avec Air France-KLM. Ces réflexions incluaient l’éventualité d’une prise de participation minoritaire au capital d’Air France-KLM, aux côtés de co-investisseurs français et européens. Cependant, le groupe considère que les conditions nécessaires pour une prise de participation minoritaire dans Air France-KLM ne sont pas réunies à ce stade, et a par conséquent décidé de ne pas poursuivre l’étude de ce projet », explique le groupe hôtelier dans son communiqué.

L’État aux abonnés absents

Le groupe, présidé par Sébastien Bazin, n’en peut plus de l’inertie de l’État dans ce dossier. Certes, l’État à tous les niveaux lui avait indiqué qu’il était favorable à une opération mais, comme le dit dans le camp d’Accor « au-delà des bonnes paroles, il n’y a eu aucune discussion concrète ». Les conseils de l’État pour la cession de ses parts dans Air France-KLM (la banque Nomura et le cabinet d’avocats BDGS) refusent en effet de parler avec ceux du groupe hôtelier.

« Avec la publication résultats financiers ce jeudi, la direction d’Accor ne pouvait ne rien dire aux marchés. AccorHotels attendait un signal, pas forcément public, disant que l’État était d’accord pour cette opération, en mettant en place un calendrier de travail, etc… Mais nous n’avons pas d’interlocuteur, ni de nouveau patron à la tête d’Air France-KLM. Nous n’allons pas attendre indéfiniment. Les entreprises privées ont leur vie, leur propre timing », confie-t-on à La Tribune dans le camp d’Accor.

Affaire Benalla

L’affaire Benalla explique en partie « le manque de disponibilité » de l’Etat. Ces derniers jours, le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler était en effet davantage préoccupé par la préparation de son audition ce 26 juillet par la Commission d’enquête du Sénat que par le dossier Air France-KLM. Surtout, l’Etat veut attendre la nomination d’un nouveau patron à la tête d’Air France-KLM avant de se pencher sur le dossier Accor. Le groupe entend mettre en place une nouvelle gouvernance en septembre.

Tour de table bien avancé

Le renoncement du groupe hôtelier intervient alors que le tour de table pour le rachat des 14% que détient l’État dans Air France-KLM était bien avancé. Selon nos informations, AccorHotels avait convaincu 5 à 6 investisseurs majoritairement français de s’allier avec lui dans cette opération. Dans le schéma retenu, Accor rachetait la moitié de la participation de l’État (7%), les autres investisseurs l’autre moitié. « L’État a peut-être perdu l’opportunité de vendre sa participation à des investisseurs français », explique le même proche du dossier.Reste à voir si le groupe hôtelier reviendrait à la charge si l’État sortait de sa léthargie en septembre ? Ceci n’est pas exclu, par certaines sources.

La direction d’Air France hostile au projet d’Accor

Hostile à ce projet, la direction d’Air France-KLM ne doit pas être mécontente. Les dirigeants du groupe aérien français n’avait pas apprécié de voir AccorHotels annoncer son intérêt pour entrer au capital au moment où il traversait une crise de gouvernance avec la démission de Jean-Marc Janaillac le 15 mai. En outre, comme bon nombre d’analystes, ils estiment qu’un rapprochement avec Accor profiterait davantage à ce dernier qu’à Air France-KLM. La mise en commun des données clients, notamment des programmes de fidélité, est davantage une source de création de valeur pour Accor que pour le groupe aérien largement en avance sur la gestion de ces données.

Les partisans d’Accor mettent en revanche en avant la mise en commun des données de leurs clients respectifs pour générer de la valeur. Ils rêvent, en effet, de mettre la main sur le programme de fidélité d’Air France-KLM, Flying Blue et sur l’utilisation que fait Air France-KLM de ses données clients. Une alliance grandeur nature avec Air France donnerait au groupe hôtelier de gros moyens pour lutter contre les Bookings, Expedia, TripAdvisor ou Airbnb, après l’arrêt de sa « place de marché » fin 2017, lancée deux ans auparavant pour lutter contre ces géants du net de l’hébergement de loisirs.

« Est-ce qu’on est convaincus, en tant que groupe hôtelier, d’un potentiel de création de valeur en travaillant entre hôteliers et partenaires aériens ? La réponse est oui », a déclaré le directeur financier Jean-Jacques Morin lors d’une conférence téléphonique. « Est-ce qu’on a été capables de se mettre d’accord avec Air France et d’avoir des conditions qui à ce stade, nous permettent d’avancer ? La réponse est non », a-t-il poursuivi.

Fabrice Gliszczynski- La Tribune

(Crédits : © Gonzalo Fuentes / Reuters)

 

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