La plateforme était perçue comme le futur de la pub. Mais certaines marques s’interrogent désormais sur son coût et son efficacité.
Et si toutes ces belles images, ces belles personnes présentant de beaux produits, n’étaient finalement qu’une grande illusion? Un grand bidonnage, qui a séduit marques, agences, observateurs, éblouis par la nouveauté (relative) d’Instagram?
Après Adidas, qui regrette officiellement d’avoir trop investi dans la communication numérique, le Wall Street Journal décrit une bulle Instagram fragilisée, susceptible d’exploser ou, au mieux, de pousser à une remise en cause sérieuse du modèle actuel du business de l’influencer.
Le journal présente notamment le cas d’Ipsy, marque de cosmétiques en ligne, qui fut l’une des premières à investir massivement dans les posts sponsorisés sur les réseaux. «La marque montre à nouveau le chemin, écrit le quotidien, mais cette fois en faisant marche arrière.»
Sommes astronomiques
Instagram est devenue centrale dans la communication numérique des entreprises. Des sommes folles y sont investies pour attirer l’attention de son milliard d’utilisateurs et d’utilisatrices mensuelles: selon le cabinet spécialisé Mediakix, les marques devraient globalement dépenser entre 3,7 et 7,4 milliards d’euros pour communiquer sur leurs produits via les influenceurs et influenceuses.
Pour ces pros du selfie, le business est juteux. D’après le Wall Street Journal, les sommes proposées pour un post sponsorisé varient, aux États-Unis, de 450 euros pour un «nanocompte» à moins de 10.000 followers à 22.500 euros pour un compte comptant entre 500.000 et 1 million d’abonné·es. Les vraies célébrités peuvent quant à elles toucher jusqu’à 450.000 euros pour un unique post.
Ipsy, donc, commence à se demander si ces investissements valent leurs coûts. Les marques sont confrontées à plusieurs problèmes. L’un d’entre eux peut être numériquement constaté. Le taux d’engagement, c’est-à-dire le nombre de likes rapporté au nombre de followers, est en baisse: -4,5% dans le domaine du voyage, -3,5% dans celui de l’alimentaire, -1,8% en ce qui concerne la beauté ou le lifestyle.
Truanderie chiffrée
Second problème, et non des moindres: les chiffres sus-cités pourraient n’être que du vent. Firme spécialisée dans l’analyse de données, HypeAuditor a étudié 1,84 million de comptes Instagram. Elle a découvert que plus de la moitié fraudaient en gonflant de manière artificielle leur nombre de followers.
En passant par de discrètes officines, on peut se constituer, pour un coût modeste, un joli petit troupeau de fans factices. Selon Masarah Paquet-Clouston de GoSecure, il vous en coûtera 44 euros pour 1.000 followers sur YouTube, 30 euros sur Facebook et la très modique somme de 14 euros sur Instagram.
À tout ceci s’ajoutent une perte de sens général et le sentiment, très partagé, qu’Instagram s’est peu à peu transformé en catalogue géant de La Redoute. «Les consommateurs sentent si quelqu’un est vraiment content d’un produit ou si l’intérêt n’est que purement commercial», explique au Wall Street Journal Anders Ankarlid, de A Good Company, déçu par une campagne sur Instagram.
Certaines marques, comme Banana Republic, changent donc de stratégie. Plutôt qu’une poignée de posts chèrement payés à des gros comptes, elles préfèrent multiplier les images où des client·es réel·les portent leurs vêtements, empochant par la même occasion des chèques-cadeaux.
D’autres tournent carrément le dos aux influencers et s’en remettent aux bonnes vieilles publicités ciblées, à celles diffusées à la télévision ou dans la presse. Elles reprennent ainsi la main sur leur création, et peuvent quantifier de manière plus transparente leurs audiences.
Repéré par Thomas Burgel- Korii.slate sur The Wall Street Journal
23/10/2019 à 6h43, mis à jour le 23/10/2019 à 9h32